Russo Morosoli, la famille qui a changé l’Etna.

L’histoire de la famille Russo Morosoli marque un chapitre important dans la vie de Catane et de l’Etna. Ce récit à la longue histoire remonte à la moitié du XVIe siècle avec Don Vincenzo Russo, notaire royal, homme distingué et riche vivant dans la commune de Paternò.

Au cours des siècles, des notaires royaux ou publics, des avocats et des ecclésiastiques se sont succédé dans cette famille à Paternò, sans que l’on ne parle encore d’entreprenariat. Il faut attendre Son Excellence Gioacchino Russo, en 1865. Cet illustre homme de sciences de renommée internationale occupe les fonctions de sous-secrétaire d’État, général de la marine et sénateur du royaume et devient également directeur de l’arsenal de Venise et président national de l’ordre des ingénieurs. Il est notamment l’auteur du premier traité italien d’architecture navale, encore utilisé dans les académies militaires. La formation culturelle du jeune Gioacchino est confiée à la sévère éducation de son oncle, portant lui aussi le nom de Gioacchino Russo, qui est révérend chanoine de la cathédrale de Catane. Celui-ci remarque immédiatement la valeur de son neveu. Ce sont en effet ses inventions qui lui ont valu d’être cité dans les chroniques de l’époque.

 

On doit notamment à son génie, l’invention du périscope pour sous-marin, le premier appareil-photo couleur au monde, le pendule de navigation et le réservoir à parois élastiques pour la reproduction à l’échelle du mouvement des vagues. Ce bassin permettant de tester le comportement d’un navire au milieu des vagues sans avoir à le construire lui vaut un premier prix au concours international de Londres. Ces brevets apportent un grand prestige à la famille, tant au niveau de la renommée que des finances. Pour ses grands mérites, le Roi le nomme Chevalier de Grand-Croix décoré du Grand Cordon de l’ordre de la Couronne d’Italie et Grand Officier de l’ordre des Saints-Maurice-et-Lazare. Les ville de Catane et de Rome lui dédient une rue et on lui dédie une école dans la ville de Paternò

L’UNIONE CON LA FAMIGLIA MOROSOLI

En 1899, Gioacchino Russo prend pour épouse une descendante de la famille Morosoli. La famille Morosoli, appartenant au Patriciat de Lopagno et Cagiallo, est une ancienne famille suisse originaire du canton du Tessin. De grande tradition industrielle, elle exerce le commerce du tabac, possède une usine de cigares et d’allume-cigares ainsi qu’une usine de protections routières. Il existe d’ailleurs sur cette famille, un livre amusant intitulé : Nous vendons de la fumée depuis cent ans, mais nous essayons de le faire de la meilleure façon possible. La famille arrive à Catane pour des raisons professionnelles et s’y installe définitivement à la suite du mariage entre Carlo Enrico Morosoli et Donna Maria, fille de Don Francesco Imbert Paternò Gioeni, duc de Furnari et baron de Ficarazzi et de Donna Anna Rapisardi des barons de Sant’Antonio, issus de la noblesse de Catane, ville dans laquelle ils font construire un palais et une villa par l’architecte Carlo Sada.

 

C’est notamment les Morosoli qui rentabilisent les brevets des inventions de Gioacchino Russo et en tirent un grand profit par le biais d’une société de gestion. Ils investissent alors ces revenus dans de nombreux secteurs comme ceux de l’automobile et des assurances. Ernesto et Augusto, fils de Don Carlo Enrico et de Donna Maria, sont une référence à Catane dans ces deux domaines. Leur neveu, Gioacchino Russo Morosoli, a toujours été fasciné par ses oncles et par les voitures de luxe.

 

Après avoir hésité à travailler avec son père Francesco dans l’industrie textile, il choisit de suivre ses oncles, sympathiques jumeaux homozygotes, auxquels Vitaliano Brancati fait référence quand il parle dans ses romans des « statues de lions » à l’entrée des grandes propriétés. Riches célibataires, amants de la belle vie et des soirées mondaines, ils partagent leur temps entre travail, plaisir et divertissements. Leurs exploits sont racontés à travers des anecdotes pleines d’émerveillement qui les transforment en véritables personnages et évoquent la splendeur disparue de la ville d’autrefois.

GIOACCHINO RUSSO MOROSOLI: LE FONDATEUR DU GROUPE

Né en 1941 et après s’être diplômé en économie et commerce, puis en sciences du tourisme, Gioacchino Russo Morosoli apprend l’art de la vente des automobiles auprès de son oncle Augusto Morosoli. Celui-ci est l’un des premiers à comprendre qu’avec le boom économique des années 1960, le marché, tout d’abord dominé par Fiat, va s’ouvrir aux marques étrangères. C’est ainsi que, à l’âge de 19 ans, il devient concessionnaire Peugeot pour la Sicile orientale. Dès lors, commence une croissance exponentielle constante avec l’acquisition des concessions Renault, Hyundai, Rover, des motos Honda, puis encore Mercedes, Smart, Chrysler, Jeep et Dodge ; tout ceci faisant de lui l’un des plus grands concessionnaires d’Italie.

L’ETNA

L’un des inspecteurs des concessions automobiles de Gioacchino Russo Morosoli était le gendre de l’ingénieur turinois Dino Lora Totino, Comte de Cervinia, expert en téléphériques, que le jeune Gioacchino considérait comme son second maître. Grand entrepreneur, cet ingénieur réalise la faisabilité du tunnel du Mont-Blanc, construit le téléphérique et conçoit l’aéroport de Caselle. Il est par ailleurs président du club de football Torino Calcio au sein du conseil d’administration de 1953 à 1955. Lui vient alors l’idée de réaliser un téléphérique sur l’Etna. Vers la fin des années 1960, le comte se met à la recherche d’entrepreneurs locaux pour pouvoir gérer au mieux l’installation de plus près. Voilà pourquoi, par l’intermédiaire de son gendre, alors inspecteur d’une des concessions automobiles du jeune Gioacchino, arrive la proposition d’entrer dans l’entreprise. Malheureusement, l’entreprise risque par deux fois de déposer le bilan. Le comte décide alors de confier directement la gestion de l’entreprise à Gioacchino Russo Morosoli.

Ce dernier commence immédiatement à mettre en œuvre ses propres stratégies économiques et commerciales, ce qui n’est pas du goût des filles du comte qui s’en plaignent à leur père à Turin. Celui-ci leur répond que le jeune homme est tout à fait capable et qu’il faut le laisser faire. Excellente intuition que cela, vu que cette nouvelle gestion se solde par des bénéfices ! À la même époque, celui que ses amis appellent Giogiò, achète la Star, société qui gère les excursions sur l’Etna sur le versant de Piano Provenzana et qui aujourd’hui y possède la station de ski. Un peu grâce à l’éloignement de Turin, un peu grâce à l’estime de ses dépendants qui voient en lui l’avenir de l’entreprise, Giogiò parvient à convaincre les filles du comte de lui céder toutes les parts de la société. Cependant, tout ne sera pas rose : pendant son voyage de noces en 1971, la fureur incontrôlée du volcan détruit son téléphérique, et ceci cinq fois de suite!

 

Amoureux du volcan, Giogiò a toujours reconstruit à l’aide de ses propres moyens, car aucune compagnie d’assurance au monde ne voulait couvrir ce risque. En 2001, suite à la énième destruction du téléphérique, Giogiò se consacre immédiatement à la reconstruction de l’installation en obtenant un important prêt bancaire. Les travaux sont très rapides et en 2002, le nouveau téléphérique est prêt ! Malheureusement, une semaine avant la cérémonie d’inauguration, une nouvelle coulée de lave détruit à nouveau le téléphérique! Giogiò ne se décourage pas, retourne à la banque pour demander un nouveau prêt et reconstruit, affrontant le paiement de deux prêts à la fois!

 

On estime que la famille Russo Morosoli a investi plus d’une centaine de millions d’euros au cours de ces dernières années : aujourd’hui son chiffre d’affaires est considérable et son rayon d’action très étendu puisqu’il comprend des agences de voyage, des tour-opérateurs, des restaurants, des hôtels, des chambres d’hôtes, des magasins de souvenirs, des locations de matériel de ski, etc., donnant du travail, directement ou indirectement, à plus de 500 familles !

C’est une grande satisfaction pour Giogiò qui à l’époque fut pris pour un fou lorsqu’il décida de miser sur cette activité car avant la construction du téléphérique, il y avait très peu de touristes, on montait à dos de mulet et les guides étaient de simples bergers locaux : l’Etna « n’existait pas »!

 

On se moquait également de lui pour avoir investi un capital important « sous la lave » et avoir pris tous les risques que cela comportait. Grâce à la persévérance et aux sacrifices de toute une vie, des centaines de milliers de touristes arrivent aujourd’hui pour profiter du service du téléphérique en toute sécurité. Sa mission a toujours été celle de préserver le territoire et le protéger, tout comme celle d’offrir à l’excursionniste une expérience inoubliable. Il a en outre contribué de manière décisive à la diffusion scientifique du site et à sa reconnaissance par l’UNESCO comme patrimoine mondial de l’humanité. Propriétaire de l’agence internationale Lloyd Assurances puis de l’agence générale de Catane de la Milano Assicurazioni, Giogiò devient également représentant pour toute la moitié sud de l’Italie. A partir de la capitale, d’une des agences leader au monde pour la vente de machines pour l’industrie de l’emballage, la société Goglio de Milan. De plus, il réussit à construire un patrimoine considérable dans le domaine de l’immobilier.

LA CRISE ET LE RENOUVELLEMENT DES GÉNÉRATIONS

Malheureusement, la crise mondiale du secteur automobile de 2012 touche durement ses intérêts.

En 2013, il perd la vie dans un accident de voiture. Ses enfants, Francesco et Fausta, prennent alors le relais dans une situation très compromise, pour ne pas dire désespérée.

Lorsque la Mercedes et la Smart au chiffre d’affaires de 65 millions d’euros annuel, déclarent la faillite dans le cadre d’un accord avec les créanciers, tout semble être compromis. Agé de 34 ans, Francesco prend la direction de l’entreprise en tant qu’unique administrateur du groupe au bord de la faillite.

 

La Funivia dell’Etna, a toujours été sous les projecteurs : tel un aimant, son activité a attiré et attire encore bien des convoitises, surtout dans les moments où elle est la plus vulnérable. Elle subit diverses attaques de la part d’hommes politiques, de soi-disant amis entrepreneurs catanais, de banques qui servent également d’autres intérêts, et même d’un des directeurs du groupe : ce bras droit de Francesco complote pour lui soustraire les gains de la Funivia. Non seulement Francesco et son équipe réussissent à sauver le groupe et à consolider les anciennes activités, faisant toujours partie du réseau officiel Mercedes, Smart, Chrysler, Jeep et Dodge, mais encore il le relance avec de nombreux nouveaux projets d’entreprise, et maintient les emplois. Aujourd’hui, le groupe de Francesco Russo Morosoli, avec la nouvelle Funivia dell’Etna, qu’il a fortement désirée, est l’une des créations entrepreneuriales les plus importantes de Sicile.

Russo Morosoli Etna / Francesco Russo Morosoli Etna

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